S’isoler.

Isoler les individus pour qu’ils ne prennent pas le risque de se transmettre quelque chose de dangereux (idée, opinion, information ou virus) est une mesure d’urgence, ici de santé publique.

Mais comment la solitude peut se vivre enfermé chez soi avec femme, mari ou compagnon et enfants ? Coupé des autres, mais contraint à la promiscuité conjugale ou familiale ?

Ce que nous vivons est une expérience large des paradoxes de nos existences dont nous pouvons habituellement faire l’économie. Mais pas dans cette période de crise sanitaire qui crée un « nous », un temps pendant lequel prendre soin de ce « nous » oblige à nous retrancher chacun chez soi.

C’est la nature du paradoxe que de faire coexister deux réalités qui ont l’air d’être exclusives l’une de l’autre, incompatibles et irréconciliables, alors qu’elles ne sont pas vraiment sur le même plan.

Car l’isolement physique en appelle un autre encore plus inhabituel dans notre société : nous isoler dans notre intériorité.

(Re)découvrir que nous avons du temps pour rêver, imaginer, laisser notre esprit vagabonder librement. Prendre le temps de nous émerveiller de la beauté d’un ciel particulièrement bleu en l’absence de pollution, des couleurs éclatantes des fleurs après des mois de grisaille et de pluies.

D’apprendre à aimer ce que nous possédons déjà, ceux qui nous entourent, plutôt que de chercher à acquérir de nouveaux objets pour combler nos manques. Mais c’est là un travail qui exige de rentrer en soi-même, pour être plus ouvert aux autres ensuite.

Mieux vaut s’isoler dans un bon bouquin que dans une mauvaise dispute !

La patience.

La patience est sûrement, en période de crise, la ressource la plus fragile à notre disposition. Mais elle est aussi la première qui nous donnera le temps de gérer nos émotions, notre communication, notre imagination et donc la première qualité à activer pour trouver des solutions de sortie de crise !

Comment gérer ce paradoxe selon lequel nous sommes privés, ou nous nous privons nous-mêmes, de la ressource essentielle pour nous extraire d’une situation que nous désirons rapidement et fortement modifier, ou fuir ?

Une petite impatience peut ruiner un grand projet !

Mais c’est encore un effort que nous sommes justement le moins prêts à fournir au moment où nous en aurions le plus besoin. Alors, à quoi bon ? me direz-vous !

Parce que nous sommes vraiment humains lorsque nous ne nous laissons pas ballotter par les bourrasques, qu’elles viennent du dedans ou du dehors. Lorsque nous savons résister à la tentation d’agir impulsivement, en laissant agir à notre place colère et violence.

Parce que l’Homme est celui qui s’efforce d’avoir une action la plus libre possible et sait gérer sa frustration non pas pour la subir, mais pour la transformer.

La patience est le temps que nous nous accordons pour construire un monde plus juste pour nous et pour les autres.

La douceur.

La douceur est sans doute ce dont nous sommes nous-mêmes le plus privés non pas parce que quelqu’un ou quelque chose nous en prive, mais parce que nous ne nous l’accordons pas à nous-mêmes.

Ce qui demande que nous nous refusions à nos colères, qui seront toujours pour nous justes et fondées, mais avec douceur envers nous-mêmes.

En reconnaissant que nous échouons, que nous faisons ce que nous ne voudrions pas faire et ne parvenons pas à faire ce qui nous semble juste. Cette reconnaissance que nous nous accordons alors, cet aveu de faiblesse nous permet déjà de ne pas rejeter cette réalité humaine comme une faute que nous commettons à cause des autres !

La violence ne s’arrête que de deux manières : soit en étant plus fort que notre adversaire qui est alors soumis ou détruit. Mais c’est là une approche risquée parce que l’autre a peut-être plus de ressources que ce qu’il paraît avoir d’une part. Et que, d’autre part, même le plus fort des combattants a des passages à vide dont l’autre, dans un rapport de force, pourra profiter pour l’emporter non pas grâce à son talent, mais à cause de notre faiblesse !

Et si l’ennemi n’est pas totalement et définitivement soumis ou détruit, qui peut nous garantir qu’il ne reviendra pas plus tard mieux préparé, plus fort que nous ?

La seconde manière d’arrêter la violence est la douceur. C’est-à-dire d’user de moyens fermes, mais souples, avec calme et détermination. Efficaces mais non brutaux.

Sans avoir peur de prendre le risque de s’approcher suffisamment près de l’adversaire pour entrer dans son agressivité avec un résultat paradoxal : c’est ce qui nous en protégera le mieux tout en lui permettant de sortir de sa violence.

Si nous ne gagnons pas un ami (ce n’est certainement pas l’objectif) au moins nous aurons un ennemi de moins qui n’aura pas été humilié mais pourra réfléchir à ce qui l’a poussé à agir.

Car, lorsque nous sommes poussés, ce n’est pas nous qui agissons, mais quelque chose ou quelqu’un qui a réussi à nous faire agir, malgré nous. Peut-être pour notre bien, pour nous écarter d’un danger que nous n’avons pas vu. Ou peut-être pour nous faire tomber dans un piège.

La douceur nous permet d’agir selon notre raison et non pas selon nos passions et humeurs. La douceur est la condition d’un agir libre.

Le silence.

Entre la parole et l’écoute, le silence est comme la toile de fond qui permettra de créer de la communication.

L’absence de bruit de voitures permet de réentendre les oiseaux, les feuilles qui s’agitent dans la brise.

Le silence intérieur est une expérience qui s’apprivoise petit à petit car nous sommes habitués à être noyés dans le bruit, celui des autres et celui que nous produisons nous-mêmes ! Or, un silence trop brusque est angoissant parce qu’il est inhabituel et nous met en contact avec des sons et des mouvements de notre esprit plus subtils qui nous paraissent nouveaux.

Nouveaux, ils ne le sont pas. Ce qui change grâce au silence est qu’ils soient audibles.

N’ayons pas peur du silence : il nous permet d’entendre ce qui fait le moins de bruit mais est pourtant ce qui peut être le plus précieux. Notre désir, nos blessures, nos espérances.

L’écoute.

Comme est vantée actuellement « l’écoute active » ! A se demander ce que peut être une écoute passive…

Ecouter, c’est déjà entendre. C’est-à-dire avoir réussi à sélectionner parmi tous les bruits qui nous entourent quelque chose qui attire notre attention. Un son, une parole dont notre cerveau inconscient nous a dit « voilà une information qui mérite que nous y mobilisions notre conscience ».

Alors le travail d’écoute peut commencer, en cherchant à identifier ce que cette information auditive peut bien avoir de spécial pour mobiliser notre attention, alors que nous ne pouvons traiter qu’un nombre restreint de sujets en même temps.

L’écoute est un effort, alors commençons par nous en accorder le bénéfice !

Écoutons activement ce que nous avons à nous dire.

La parole.

La parole qui est adressée à l’autre (conjoint, épouse, enfants, beaux-parents…) a généralement une fonction : faire connaître notre état intérieur. Confronter ce « JE » qui nous définit avec nous-même, les autres et le monde.

Vous pouvez désirer communiquer votre besoin, votre émotion, votre sentiment, votre ressenti. Le support du message est alors quelque chose qui s’est produit en vous, ou bien que l’environnement a produit en vous et que vous avez le sentiment de devoir partager.

Pour soulager une tension ou pour nous réjouir à plusieurs. Pour vérifier si nos perceptions correspondent à une réalité pour les autres ou sont alimentées par notre imagination.

En tant de crise particulièrement, vérifions que notre message a été bien entendu, compris, reçu comme étant bien ce que nous voulions dire !

Et peut-être est-il prudent de ne pas multiplier les paroles, pour réduire les risques.

La communication

La communication n’est jamais une évidence. Nous aimerions pouvoir être au moins responsables des messages que nous envoyons. Mais, même lorsque nous savons bien ce que nous voulons communiquer et que nous employons les moyens qui nous semblent adaptés, il n’est jamais possible de savoir avec certitude la lecture qu’auront les autres de nos messages !

Dans le contexte du confinement, comme à bord d’un navire ou d’un sous-marin, cette réalité, cette limite du formidable outil qu’est la communication est, comme avec tous les outils, que l’on risque de se blesser !

Et plus l’outil est puissant, plus les dégâts peuvent être importants.

C’est pourquoi je vous propose ces quelques articles comme base de réflexion afin de prévenir, au mieux des possibilités de chacun, les blessures.

Croyez bien que ces quelques lignes, que j’écris alors que deux de nos quatre enfants, qui sont en primaire font leur école forcée à la maison à côté de moi, je ne les écris pas pour vous donner conseils ou leçons ! Mon épouse, nos enfants et moi partageons pleinement toutes les difficultés, frustrations, colères, peurs qui traversent notre pays sans que nous en soyons épargnés.

Mais je veux témoigner que nous pouvons lutter, toujours, chacun de notre place et avec tout ce que nous sommes, pour plus de justice et de paix, même dans un contexte particulièrement difficile.